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Conflit entre le légat et le procurateur de Bretagne.

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Conflit entre le légat et le procurateur de Bretagne. Empty Conflit entre le légat et le procurateur de Bretagne.

Message par Sid Jeu 22 Oct - 11:39

Conflit entre le légat et le procurateur de Bretagne.




Plan :


I.Un système administratif complexe.
1.Le contrôle des gouverneurs.
2.Le rôle des procurateurs.

II.Le chemin de la paix.
1.Une réconciliation impossible par les armes.
2.Polyclitus, agent de la concorde.






Bibliographie :


Patrick Le Roux, Le Haut-Empire en Occident d'Auguste aux Sévères, Seuil, 1998, Malesherbes.

Marie-Pierre Arnaud-Lindet, Histoire et politique à Rome, les historiens romains (IIIe av J.-C – Ve ap. J.-C), 2001, Bréal.

Hans Georg Pflaum, Gaule et Empire romain, l'Harmattan, 1981, Paris.

Louis Harmand, L'Occident romain, Gaule, Espagne, Bretagne, Afrique du Nord (31 av. J.-C, 235 ap. J.-C), Payot, 1970, Paris.

Agnès Béranger-Badel (dir. Laurent Feller), Le contrôle des gouverneurs de province sous le Haut-Empire, article du colloque « contrôler les agents du pouvoir », Presse universitaire de Limoges, 2004.

Christophe Badel (dir. Laurent Feller), Le contrôle des généraux en campagne sous le Haut-Empire romain, article du colloque « contrôler les agents du pouvoir », Presse universitaire de Limoges, 2004.




Cet extrait du chapitre XIV des Annales de Tacite nous décrit la situation en Bretagne juste après la révolte de Boudicca, reine des Icéniens, veuve de Prasutagus, roi défunt des Icéniens, client protégé du pouvoir impérial depuis Claude. Tard venue dans la série des conquêtes occidentales, la Bretagne est une portion de l'Empire qui a posé aux Romains les plus graves soucis, non seulement sur la conquête elle-même mais aussi sur le régime à lui appliquer. Appartenant à la catégorie impériale par le type de province à réaliser, elle a comme détenteur de l'autorité un représentant direct de l'empereur, un légat de haut rang, chef à la fois de l'armée et du territoire à administrer qui a comme collaborateur, pour les finances et l'économie, un procurateur.

A la mort de Prasutagus en 61, Tacite et Dion nous rapportent que Néron est fortement intéressé par la couronne, désigné comme co-héritier du trône aux cotés de la reine et de ses deux filles. Mais Néron, hostile au système des royaumes protégés auxquels il veut imposer une administration provinciale directe considère alors la famille royale comme éteinte et ordonne de procéder à la confiscation de ses biens. Les ordres impériaux sont alors appliqués avec soin par les agents du procurateur Decinnus Catus. Le palais de la reine est mis à sac et tous les membres de l'aristocratie icénienne sont sommés de rembourser les emprunts contractés auprès des notables et des financiers de la cour impériale à la fois pour les exigences fiscales et les nécessités qu'imposent la romanisation. C'est ainsi que Tacite et Dion nous résument les causes du soulèvement des Icéniens. Mais sans doute faut-il amener quelques nuances aux récits des deux auteurs latins et tenir compte des arrières pensées de Tacite, clairement anti-impérial. Mais les causes profondes de la révolte sont sans nul doute liées à un problème moral et psychologique, un problème de contact et de confiance entre Romains et « indigènes ».

L'extrême dispersion des légions romaines en Bretagne au moment de la révolte de Boudicca met le légat Suetonius Paulinius dans l'embarra. Après la retraite de Londinium qu'il laisse sans défense à Boudicca, il monte vers le Nord de la Bretagne où il trouve l'endroit idéal pour une attaque. Défaite après la bataille, Boudicca s'empoisonne. Dans les Annales, Tacite présente Paulinius comme un héros dont la valeur militaire parvient à redresser une situation que tout annonçe comme désespérée.

La vigueur de la répression qui s'ensuit, au souvenir des 70 000 victimes (nous dit Tacite) que la rébellion a fait dans les rangs des Romains, indispose le nouveau procurateur Iulius Classicianus qui préconise une politique de modération et d'apaisement. Toute réconciliation lui paraît impossible par les armes. Mais l'agitation persévère chez certaines tribus qui refusent à déposer les armes. Deux hommes, deux formules. La question qui se pose alors concerne le traitement à appliquer aux Bretons après cette brutale révolte et aux moyens à employer pour pacifier la Bretagne.

On connait très peu sur la vie de Tacite (P. Cornelius Tacitus 58 av. J.-C/ 117 ap.). Sénateur romain, il écrit l'histoire en y ajoutant analyses personnelles, réflexions et jugements de valeur de manière pessimiste. D'origine équestre, il épouse à vingt ans la fille du sénateur d'origine gauloise C. Iulius Agricola ce qui lui donne les appuis nécessaires pour commencer une carrière sénatoriale à la fin du règne de Vespasien. Il commence à publier à quarante ans, à l'époque où l'importance des évènements du passé récent, depuis les derniers jours de Néron à l'assassinat de Domitien, amènent à une synthèse qui met en lumière les faits politiques de l'Empire, les dérives monarchiques du principat, la tyrannie et l'exercice quotidien de la cruauté impériale. En ce sens, Tacite compose trois œuvres brèves : La Vie d'Agricola en 98, La Germanie et Le dialogue des Orateurs. Puis, sous le règne de Trajan, il publie les Histoires (v.106-109) un récit de forme annalistique qui va du 1er Janvier 69 à la fin de la dynastie des Flaviens. Mais il se détourne de son projet initial pour remonter dans le temps et écrire année par année une histoire des Julio-Claudien dans les Annales (v.110-120), où il peut avec moins de risque dévelloper ses idées d'opposition au pouvoir tyranique des empereurs dont il pense qu'il corrompt tous ceux qui l'exerce par sa nature. Les Annales sont donc une critique du Principat et des détenteurs du pouvoir impérial. Composées de seize ou dix-huit livres, on ne sait pas où Tacite y a fixées le terme, la mort de Néron (9 juin 68), les calendes de janvier 69 qui sont le début des Histoires, ou bien encore l'œuvre a été interrompu par la mort même de Tacite.

Pour ces œuvres, Tacite consulte les sources officielles du Sénat, mais aussi des témoignages contemporains comme les mémoires d'Agrippine le Jeune, et des synthèses d'historiens contemporains des faits : Pline l'Ancien, Cluvius Rufus, Aufidius Bassus...

Nous verrons comment l'Empire tente d'intégrer les populations rebelles de Bretagne par la paix mais combien ce genre de situation est difficile à gérer avec le système administratif provincial sous Néron.

I.Un système administratif complexe.
1.Le contrôle des gouverneurs.


On note plusieurs occurrences de l'autorité impériale qui agit sur les agents en place dans les provinces comme à la ligne 5 « il faisait savoir à Rome » et à la ligne 16 « le rapport fait à l'empereur ». Sous la République, les gouverneurs de province et les chefs d'armées, disposent d'une liberté à peu près totale sur la direction des opérations. Le Sénat, qui supervise la guerre, intervient en amont et en aval du processus, à la fin de l'année après la remise du rapport par le chef de l'armée. Mais son rôle est nul en cours de campagne. Sous Auguste, en transférant la direction de la guerre d'un conseil, le Sénat, à un homme, l'empereur, c'est donner plus de poids au pouvoir central et affirmer une volonté de contrôle plus strict sur les généraux en campagne.

On le remarque dans ce texte, au moment du conflit entre Suetonius et Classicianus, Classicianus fait appel à Rome et donc à l'empereur afin de régler le litige. En théorie, c'est l'empereur qui décide de la marche à suivre pour toutes les opérations. De plus, il est souverain dans la désignation des titulaires comme c'est surement le cas pour Turpilianus à la ligne 18 : « il reçut l'ordre de remettre l'armée à Petronius Turpilianus. »

Mais bien que l'aspect du contrôle ne soit pas remis en question par les historiens, on peut se poser la question sur l'efficacité du contrôle impérial qui lui, est loin de faire l'unanimité. Pour certains, dans le système impérial, le gouverneur ne peut qu'obéir à l'empereur et n'a qu'une marge d'initiative très limitée, alors que pour d'autres, l'empereur, loin du théâtre des opérations, n'ayant ni les informations nécessaires, ni le temps à un contrôle efficace se voit contraint de laisser une grande liberté à ses généraux. C'est sans doute dans cet aspect qu'intervient le procurateur, agent de l'administration développé par le régime impérial.

2.Le rôle des procurateurs.


On note à la ligne 1 « Iulius Classicianus, envoyé comme successeur à Catus » et à la ligne 10 la référence au « propréteur ». En effet, le recours à l'écrit qui s'avère généralement trop lent pour agir sur les événements, l'empereur doit s'appuyer sur d'autres agents de l'administration développés par le régime impérial. Certains historiens, comme par exemple Hans Georg Pflaum soutiennent, en s'appuyant notamment sur ce passage, que les empereurs mettent en place ce système (légat et procurateurs) pour que les procurateurs exercent une surveillance sur les légats. Cependant, d'autres historiens pensent que rien ne permet d'extrapoler, à partir de quelques cas isolés, une volonté délibérée de faire contrôler les sénateurs par les chevaliers. Mais dans la situation présente, le gouverneur est surveillé par le procurateur chargé des finances, et de prendre en main, au nom de la couronne, les intérêts en jeu, résultant de la transformation des terres en domaines impériaux. ici Classicianus, est l'« égal » de Palinius car le procurateur de rang équestre n'obéit pas au gouverneur de rang sénatorial et relève directement du pouvoir central, et donc de l'empereur.

On note à la ligne 7 : « ...attribuant les revers à la mauvaise gestion de ce général ». Il peut paraître étrange qu'un fonctionnaire financier se mêle d'affaires militaires mais la majorité des procurateurs équestres avaient une formation militaire comme tribun ou centurion et qu'en tant que « pro » ils ont déjà servi dans des charges militaires. Car des deux filières principales de la carrière procuratorienne provient des officiers de l'armée ayant fait leur trois milices équestres (tribunat de cohorte auxiliaire, tribunat de légion et préfecture d'aile) et des primipiles, strate supérieure du centurionat.

Le problème vient du système administratif des province qui sépare la fonction de gouvernement et la gestion financière entre les deux hommes, le légat et le procurateur. Mais le légat pour mener les armées doit avoir des fonds, hors ces fonds sont gérés par le procurateur. Le procurateur se trouve alors simultanément redouté de la population, et des soldats qui attendent de lui le payement, et du gouverneur puisqu'il est à même de lui couper les vivres en s'opposant à ses demandes de subsides, de concurrencer sa justice et même de paralyser son action en raison des fréquents conflits de compétence entre les deux pouvoirs comme c'est le cas à la ligne 6 « … il faisait savoir à Rome qu'il ne fallait pas compter sur la fin des hostilités, tant que Suetonius ne serait pas remplacé... ».

Ainsi la position du gouverneur de Bretagne Suetonius Paulinus est minée par le procurateur Classicianus pour qui la pacification par les armes ne peut plus durer et qui préconise désormais de laisser place à la diplomatie.

II.Le chemin de la paix.
1.Une réconciliation impossible par les armes.


On note à la ligne 2 « car Iulius Classicianus, envoyé comme successeur à Catus, mais en désaccord avec Suetonus... ». Pourtant, la nature des relations entre procurateurs et légats diffère sensiblement de celles qui existent, dans les provinces sénatoriales, entre le proconsul et son questeur. En effet, alors que le proconsul et le questeur sont tous deux des sénateurs, et qu'ils exercent leur charge pendant le même laps de temps, le légat et le procurateur n'appartiennent pas au même ordre, l'un de rang sénatorial et l'autre équestre, et ne sont pas nommés par l'empereur au même moment, ni pour la même durée. Leurs liens et intérêts communs sont donc moindres. D'ailleurs, Tacite dans la Vie d'Agricola rappelle que son beau père, lorsqu'il était gouverneur d'Aquitaine, veillait à éviter tout conflit avec les procurateurs, car il estimait « qu'il aurait été sans gloire de les vaincre, et humiliant d'être écrasé par eux ». Ils n'ont donc pas de raison de s'opposer entre eux. Pourtant il y a conflit.

Classicianus, homme de paix envoyé par l'empereur afin de remplacer Catus qui a commis des exactions sur les peuples Bretons, souhaite la paix par diplomatie et bienveillance. Il demande un nouveau légat ligne 4 « n'ayant ni la rancune d'un ennemi, ni l'orgueil d'un vainqueur », s'opposant ainsi à Catus pour la rancune et à Paulinius pour l'orgueil, qui lui, attend que Classicianus débloque des fond afin de continuer la répression et soumettre par la force les dernières tribus qui refusent de rendre les armes.

On remarque alors ligne 18 : « ...il reçut l'ordre de remettre l'armée à Pétronius Turpilianus... ». Finalement, Paulinius est révoqué peu après par Néron sous un prétexte futile, ce qui laisse penser que les accusations du procurateur ont eu un impact. D'autre part, le système romain qui ne semble pas avoir prévue d'instance particulière chargée de contrôler l'action des gouverneurs, prévoit en revanche un certain nombre de possibilités qui permettent, en cas de problèmes importants, d'engager une action en justice contre eux. Ces actions semblent se dérouler toujours à l'issue de la charge, une fois le gouverneur rentré à Rome. On peut alors supposer que Paulius, sortit de charge et rentré à Rome sera finalement jugé pour les récriminations dont l'accuse Classicianus.

A bien y penser, l'envoie du procurateur Classicianus indique par lui même la solution décidée par l'empereur : un homme bienveillant et humain, emblème de la paix en opposition à ce que symbolisent, pour les Bretons, un Catus et un Paulinius. Il ne faut pas oublier non plus que Classicianus est d'origine gauloise ce qui lui donne du poids envers des tribus en passe d'être soumises. Puis, après le rappelle de Suetonius Paulinius, son successeur, Petronius Turpilianus, n'est pas un conquérant mais un administrateur qui s'attache à mériter la confiance des habitants.

Cependant, c'est un affranchis de Néron qui vient régler l'affaire. Il doit alors arranger les sujets de discorde entre Classicianus et Suetonius mais également tenter d'amener les peuples en voie d'intégration à l'Empire, tout en agissant en tant que représentant de l'empereur.

2.Polyclitus, agent de la concorde.

On note à la ligne 10 « ...mais encore pacifier les sentiments rebelles des Barbares. ». En effet, Polyclitus à une seconde mission qui est de tenter de pacifier les peuples et de les intégrer à l'Empire. En tant que représentant de l'empereur, il est accompagné de toute une cohorte : à la ligne 11 « ...le poids de son immense cortège […] puis de se montrer redoutable à nos soldats eux-mêmes. ». Polyclitus est l'émissaire de Caton, il sert à représenter la puissance de l'empereur. Tout cela fait parti du culte impérial, c'est pourquoi il est présenté comme terrible et redoutable, même aux soldats des légions de Rome.

Pourtant, à la ligne 13 : « ...il fut la risée de l'ennemi, chez qui brulait encore la flamme de la liberté […] aussi, ils ne pouvaient que s'étonner de voir un chef et une armée […] obéir à des esclaves. ». Je crois que cet extrait comporte beaucoup d'informations. D'une part, bien que Polyclitus arrive de manière terrible, il n'impressionne que les généraux et les soldats Romains, car il est affranchi et que les Gaulois ne prennent pas en compte sa puissance. En envoyant une personne qui reflète l'image de l'affranchi, une personne neutre, ni vraiment romain, ni vraiment gaulois, c'est peut être un moyen pour Caton de calmer les ardeurs des combattants. D'un autre coté, on voit à la ligne 14 « ...qui n'avaient pas encore fait connaissance avec le pouvoir des affranchis » et donc la puissance du cortège de Polyclitus que nous décrit Tacite peut être une façon de montrer aux « Barbares » comment acquérir de la puissance dans l'acculturation et l'intégration à Rome, comment acquérir la puissance dans les services rendus à l'Empereur. L'exemple de Polyclitus est peut être un moyen visuelle et concrets des bienfaits de l'intégration des populations à l'Empire.

Conclusion :

Après la révolte de Boudicca en 61, en Bretagne, le principe d'intégration des populations ne doit plus passer par la violence de personnes telles que Catus ou encore Suetonius Paulinius. Rome et l'empereur choisissent la voie de la paix par l'intermédiaire de personnes qui tendent au pacifisme telle que Classicianus et les deux gouverneurs qui se succèdent l'un après l'autre à Suetonius Paulinius : Petronius Turpilianus juqu'en 63 et Trebellius Maximus jusqu'en 69 qui ne sont pas des conquérants, mais des administrateurs qui s'attachent à mériter la confiance des habitants.

La conquête et la soumission doit donc passer désormais par la confiance. L'action des procurateurs sera déterminante dans le contrôle des gouverneurs pour une meilleur acculturation des populations. On peut se demander si au cours des années, les problèmes d'administration liés aux provinces seront réglés.


Je n'ai pas assez appuyé le rôle de l'affranchi ainsi que son statut particulier en tant que personne proche de l'empereur. Malgré cela, le reste est plutôt bon. Bonne lecture à tous.
Sid
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