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La Nouvelle Histoire

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Message par Ben Mer 12 Déc - 23:17

La Nouvelle Histoire

1. PRÉSENTATION

Nouvelle Histoire, la, expression officialisée en 1978 par la publication d’un livre éponyme de Jacques Le Goff, désignant un mouvement historiographique héritier des Annales qui s’est développé en France dans les années soixante-dix, bouleversant les méthodes et les objets de l’histoire traditionnelle.

2. INTRODUCTION

La Nouvelle Histoire, ou « histoire nouvelle » relève d’une réflexion des historiens sur leur propre discipline. Ce mouvement s’inscrit dans un mouvement plus large de réflexion épistémologique, qui touche au cours du XXe siècle toutes les disciplines des « sciences humaines » (le mot entre en 1957 à l’Université). Apparaît alors, ajoutée à l’intitulé de ces disciplines, l’épithète « nouveau », « nouvelle », ou « moderne ». Ainsi s’élaborent, prenant en général un essor important dans les années cinquante, une « nouvelle critique », une « anthropologie nouvelle », des « mathématiques modernes ».

3. PRÉCURSEURS

Comme mouvement ouvert, la Nouvelle Histoire ne se laisse pas enfermer dans des contours absolument définis, non plus que dans des limites chronologiques absolument fixées. Elle a ainsi, hors de ses limites propres, des précurseurs.

* Voltaire

Au milieu du XIXe siècle, les pages de Voltaire dans ses Nouvelles Considérations sur l’histoire (1744) sont étonnamment proches de ce que sera la Nouvelle Histoire. Celui-ci y réclame une histoire qui, à l’instar de la physique d’alors, se réformerait profondément, utilisant « des archives de tout », ne se bornant pas à la description des batailles ; il y récuse l’« événement » comme objet de l’histoire. Voltaire demande qu’on utilise des documents de toutes sortes, qu’on étudie la démographie, les mœurs — quasiment les « mentalités », serait-on tenté de dire. Enfin, il appelle de ses vœux une histoire de tous, et non seulement des grands : « On saurait ainsi l’histoire des hommes, au lieu de savoir une faible partie de l’histoire des rois et des cours. »

* Chateaubriand, Michelet, Simiand

Au siècle suivant, Chateaubriand laisse également dans la préface de ses Études historiques (1831) des pages qui constituent comme un programme de la Nouvelle Histoire. Plus proches de nous, on trouve de véritables précurseurs de la Nouvelle Histoire : tel Michelet, dont la préface de 1869 à son Histoire de France peut quasiment se lire comme un « manifeste » de la Nouvelle Histoire. Tel encore par la suite François Simiand, économiste et sociologue, qui dénonce dans un article célèbre intitulé « Méthode historique et Science sociale », paru en 1903 dans la Revue de synthèse historique, « trois idoles de la tribu des historiens » : l’idole politique, l’idole individuelle et l’idole chronologique.

* Henri Berr

On peut enfin considérer Henri Berr comme le pionnier du mouvement au XXe siècle. Il emploie le terme d’« histoire nouvelle » dès 1930 : le mot fait écho à la New History, mouvement anglo-saxon né aux États-Unis en 1912, et dont un des principaux représentants est H. E. Barnes (auteur de The New History and the Social Sciences, 1925). Fondateur de la Revue de synthèse, Henri Berr a exercé une influence profonde sur Lucien Febvre et sur Marc Bloch.

4. L’ÉCOLE DES ANNALES

Lucien Febvre et Marc Bloch lancent en 1929 la revue des Annales d’histoire économique et sociale. Le seul titre de cette revue, qui allait devenir le noyau du mouvement de la Nouvelle Histoire, indique le caractère novateur de leur entreprise. Outre qu’en effet le social et l’économique étaient souvent à peu près absents des études historiques, ces mots indiquent un caractère spécifique de la Nouvelle Histoire : l’ouverture et les ponts jetés entre les différentes disciplines — en un mot l’interdisciplinarité — et l’idée d’histoire comme « synthèse », selon la conception chère à leur aîné, Henri Berr.

Les « Annales » s’inscrivent contre l’histoire politique, telle qu’elle était alors pratiquée, c’est-à-dire principalement diplomatique et événementielle. Elles s’inscrivent aussi contre la notion de « fait historique », jamais donné, mais toujours construit et à construire.

Les « Annales » changent de nom en 1946, pour s’intituler Annales. Économies. Sociétés. Civilisations. Le pluriel employé dans ce titre est important pour ces historiens qui ne considèrent jamais l’histoire comme histoire de l’Homme — c’est-à-dire une abstraction —, ni comme celle des « grands hommes » — tendance ruineuse de l’histoire qu’ils combattent —, mais toujours comme l’histoire des hommes.

Au lendemain de la guerre (1947), Lucien Febvre obtient que les « Annales » aient leur institution : la VIe section de l’École pratique des hautes études (EPHE). Le recueil des articles de méthode de Lucien Febvre, intitulé Combats pour l’histoire (1953), donne un important aperçu des orientations méthodologiques de la Nouvelle Histoire.

Fernand Braudel donne ses lettres de noblesse à la Nouvelle Histoire avec l’ouvrage qu’il a rédigé en captivité pendant la guerre : la Méditerranée et le monde méditerranéen à l’époque de Philippe II. À la mort de Lucien Febvre en 1956, c’est lui qui conduit la VIe section de l’EPHE et qui, avec Robert Mandrou puis Marc Ferro, devient l’un des principaux acteurs des « Annales » et du mouvement de la Nouvelle Histoire. Il publie dans la revue en 1958 l’un des articles les plus importants pour le mouvement : « Histoire et sciences sociales : la longue durée ».

Les années soixante-dix verront à la tête des « Annales » et du mouvement de la Nouvelle Histoire Jacques Le Goff, Emmanuel Le Roy Ladurie, Jacques Revel, Marc Ferro, André Burguière… En 1978, Jacques Le Goff publie un ouvrage collectif aux éditions Retz (collection « Les Encyclopédies du Savoir Moderne ») sous le titre la Nouvelle Histoire, officialisant ainsi cette expression.

5. CARACTÈRES GÉNÉRAUX

On peut dégager plusieurs caractères généraux qui définissent la Nouvelle Histoire.

Tout d’abord, à l’inverse d’une histoire qui ne privilégiait que certains aspects, la Nouvelle Histoire tend toujours à une certaine totalisation, globalisation, de ce qu’elle étudie. Cela entraîne plusieurs conséquences majeures :

• Premièrement, l’élargissement des sources. Contre l’histoire par les textes (Seignobos, Langlois…), la Nouvelle Histoire utilise toutes sortes de documents et de sources variées (registres paroissiaux, journaux, iconographie, etc.).
• Deuxièmement, elle utilise les acquis, et elle est en relation étroite avec d’autres disciplines des sciences humaines : sociologie, anthropologie, géographie, démographie.
• Troisièmement, comme histoire totale, elle n’est pas l’histoire des grands personnages ni des grands événements : elle privilégie souvent une approche du quotidien et du concret et elle se présente comme une histoire de tous.


6. LA « LONGUE DURÉE »

La Nouvelle Histoire privilégie la « longue durée » (cf. l’article de Fernand Braudel dans les « Annales », intitulé : « Histoire et sciences sociales : la longue durée »). Superficiellement, l’histoire distingue souvent des changements dans le court terme : ainsi l’histoire politique lorsqu’elle se fonde sur les changements de règnes ou de gouvernements. Mais elle est incapable de saisir les strates profondes de l’histoire qui ne se modifient que lentement et selon des cycles longs. Cette importance de la longue durée est évidente si l’on considère des thèmes majeurs pour la Nouvelle Histoire, tels que les mentalités (voir mentalités, histoire des), l’anthropologie, le rapport des hommes à leur espace (lien de l’histoire et de la géographie).

7. DES THÈMES PRIVILÉGIÉS

Pour ces raisons, la Nouvelle Histoire fait apparaître dans ses investigations certains thèmes privilégiés : l’histoire des mentalités, le spirituel, la vie et la mort… C’est autour de ces thèmes que s’élaborent les ouvrages capitaux de Lucien Febvre et de Marc Bloch, puis ceux de Georges Duby, Jacques Le Goff, Philippe Ariès, Pierre Chaunu, Robert Mandrou, Jean Delumeau, Michel Vovelle, Jean-Pierre Vernant, Maurice Agulhon, François Furet, Mona Ozouf, ou encore Pierre Nora, présents notamment à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS), au Collège de France, ainsi que dans plusieurs maisons d’édition comme directeurs de collection.

8. UNE HISTOIRE FRANÇAISE ?

Notons enfin que la Nouvelle Histoire est principalement une histoire française, même si le mot apparaît chez des anglo-saxons au début du siècle. On peut en analyser les raisons, c’est un fait. Cependant, cela ne doit pas faire oublier l’influence de grands inspirateurs ou représentants étrangers, comme Henri Pirenne (Belgique), Johan Huizinga (Pays-Bas) et, plus proche, le Polonais Bronislaw Geremek (les Marginaux parisiens aux XIXe et XVe siècles, 1976).

Ben
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